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En agriculture, « le beau temps est celui qui ne dure pas trop longtemps »

Et chez vous ? Quelle est la situation des cultures dans votre secteur ? N'hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires en dessous de l'article.

À l'échelle de l'Hexagone, les situations se montrent très diverses pour les cultures en cette mi-mai. Si certains agriculteurs déplorent une période très humide, d'autres attendent désespèrement le retour de la pluie et s'inquiètent pour les céréales d'automne, fragilisées par leurs conditions d'implantation.

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« Dans les grandes zones céréalières (Nord, Grand-Est, Île-de-France, Beauce), il y a un vrai déficit en eau depuis début mars. On peut se dire que c’est plutôt bénéfique après un an et demi d’excès d’eau. Mais en agriculture, le beau temps est celui qui ne dure pas trop longtemps », a déclaré Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer.

Globalement, on peut dire « qu’on a une situation inversée, avec une sécheresse au Nord et une période très humide au Sud ». Mais les situations sont très disparates selon les secteurs.

« Dans 15 jours, ça sera trop tard »

Dans l’Ain, Guillaume Bouchard, agronome indépendant, fait, en effet, part de fortes précipitations. À l’inverse, pour Cédric Gillet, installé au sud-ouest de la Sarthe, « la messe est dite pour les orges, elles sont toutes blanches et il faudrait vraiment de l’eau rapidement pour les blés. Dans 15 jours, ce sera trop tard ! », estime l’agriculteur. Le mois de janvier a été très humide sur son exploitation, « on a eu 60 mm en février, puis 20 en mars, 17 en avril et seulement 4 dernièrement… ».

« Je n’ai pas la possibilité d’arroser, ma demande pour un forage à 120 m de profondeur a été refusée et à 80 m, je n’ai pas assez de débit pour irriguer. Certains voisins sont en train de finir leur 4e tour d’eau. C’est assez général dans le département, contrairement au Maine-et-Loire à côté. » Le producteur estime aujourd’hui le potentiel de rendement moyen de ses blés entre 50 et 60 q/ha, contre 80 q/ha habituellement.

« Des trésoreries déjà mises à mal depuis 2 ans »

« Cela me rappelle la campagne 2011. Et le contexte prix n’aide pas ! Cela pose question pour les trésoreries des exploitations si on ne peut pas avoir de paiement moisson. Sur la ferme, avec 150 ha, on a déjà avancé 70 000 € et il va falloir encore prévoir les engrais et les semences de colza. »

« Les prix actuels sont en dessous des coûts de production, c’est inquiétant avec des trésoreries déjà mises à mal depuis 2 ans », ajoute aussi Frédéric Gond, installé dans le Loiret. « On est très vigilant sur la continuité du mois de mai et du mois de juin. Il n’y a pas péril en la demeure. Le potentiel est d'un niveau moyen aujourd'hui, mais il faut voir la suite ! Les implantations de céréales d’automne n’ont pas été réalisées dans les meilleures conditions, donc ça peut devenir compliqué en termes de réserve hydrique si on n’a pas d’eau sous une dizaine de jours. »

Un constat relayé aussi par Benoît Piètrement, également agriculteur marnais. « Dans mon secteur, on préfère les années plutôt sèches parce que les excès d’eau sont vraiment très néfastes. Mais des difficultés se présentent pour les cultures fragilisées par leurs conditions d’implantation, avec des systèmes racinaires pas assez développés pour aller chercher de l’eau en profondeur. On recense certains blés en état de stress qui sont en train d’épier, avec 4 feuilles au lieu de 5. On est assez inquiet, même si ça reste marginal. »

« Les prévisions de pluies revues à la baisse augmentent aussi les inquiétudes pour la valorisation du dernier apport d’azote, particulièrement en ce qui concerne la teneur en protéines : l’efficacité de ces apports dépend fortement de l’humidification du sol et en l’absence de pluies ça risque d’impacter la qualité de cette année », indique Abir Mahabja, cheffe de projet Céré’Obs chez FranceAgriMer.

« Des parcelles plutôt propres »

« En lien avec les températures élevées et un fort ensoleillement durant la phase de montaison, on constate un avancement rapide des stades. Le point positif de ces conditions météo, c’est que les cultures sont aujourd’hui dans un état sanitaire normal à satisfaisant pour le moment. On relève très peu de septoriose cette année, ce qui tranche nettement avec la situation catastrophique de 2024. Des symptômes de rouille jaune ont été signalés dans plusieurs bassins de production, notamment en Centre-Val-de-Loire, Hauts-de-France, Normandie et Île-de-France, mais restent modérés, on a peu de dégâts ».

« Les parcelles de céréales sont plus propres que l’an dernier, avec des dates de semis étalées et des passages herbicides qui ont mieux fonctionné », précise aussi Frédéric Gond. « En colza, on est relativement confiant, la floraison s’est bien passée et les parcelles sont dans un bon état sanitaire. » Les semis de printemps se sont également bien déroulés, l’agriculteur soulève, par contre, quelques complications avec les dégâts de pigeons sur tournesol.

La situation est différente près d'Auch dans le Gers : « les semis de maïs de fin avril sont beaux à trois feuilles, mais environ la moitié des semis de tournesol ne sont pas encore réalisés. Beaucoup ont tenté ces derniers jours et ont pris de gros orages, 40 mm et de la grêle. La plaine ressemblait à un lac ! Il y aura immanquablement des resemis », indique Jean-Claude Pujos.

« Les blés et les colzas sont plutôt corrects voire beaux. Le sec de mars-avril a toutefois limité le rendement de certaines parcelles en terre faible, peu profonde. »

Dans ce contexte, Benoît Piètrement ne veut pas être alarmiste, mais partage ses préoccupations : « ce contexte peut nous rappeler des années précédentes où ça s'est mal passé. S'il ne pleut pas assez rapidement, ou en tout cas régulièrement jusqu'à la moisson, on pourrait avoir une mauvaise surprise à l'arrivée ».

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